« Alzheimer : le grand leurre »

 

 

 

« Alzheimer : le grand leurre » : tel est le titre du livre cosigné par Olivier Saint Jean, professeur de gériatrie et Eric Favereau, journaliste au quotidien Libération qui vient de sortir ces jours-ci en librairie. Il s’agit d’un ouvrage salutaire qui contribue à fissurer un peu davantage l’édifice fallacieux dominant qui érige la « maladie d’Alzheimer » en maladie, justement.

Je développais déjà il y a trois ans des thèses voisines dans mon livre intitulé « La vieillesse n’est pas une maladie », sous-titré « Alzheimer, un diagnostic bien commode. »

Le fait qu’un professeur de gériatrie émette grosso modo les mêmes hypothèses constitue un renforcement significatif de tous ceux qui pensent que la maladie d’Alzheimer n’existe pas.

Le montage de cet édifice ahurissant que constitue la soi-disant maladie d’Alzheimer a une histoire très singulière rappelée par les auteurs. En 1906, Aloïs Alzheimer publie le cas d’une patiente jeune, environ 55 ans, qui présente une détérioration de la mémoire associée à une jalousie pathologique de survenue récente. Au décès de la patiente un peu plus tard, l’examen du cerveau par Alzheimer révèle des lésions inconnues jusque là : plaques séniles et dégénérescence neuro fibrillaire. De tout cela, Alzheimer ne sait pas trop que faire. Mais son patron, Kraepelin, qui n’a pas l’honnêteté intellectuelle de son élève, et pour des raisons relevant de la concurrence avec d’autres laboratoires universitaires et avec la psychanalyse en train d’émerger, érige ce qu’a décrit Alzheimer en maladie autonome à partir d’un cas plus quelques autres glanés ici ou là. Quelques cas donc. « Une goutte d’eau, mais parfois une seule suffit » soulignent les auteurs.

Pendant 70 ans, on n’entendra plus parler de rien. Mais dans les années 70, la nouveauté incontestable, c’est l’émergence quantitative visible des vieux dans le paysage quotidien. C’est alors que survient, à point nommé si je puis dire, l’éditorial sans nuances du professeur de neurologie Robert Katzmann dans une revue médicale américaine. Il y décrète qu’il y aurait entre 800.000 et 1.200.000 américains malades d’Alzheimer. Et voilà la monstrueuse machine sur les rails. Qui dit « maladie » de cette ampleur dit médicaments, crédits de recherche, campagnes d’opinion, associations de malades et de leurs familles.

Comme le soulignent à juste titre les auteurs du livre :

« D’ordinaire, la médecine est faite pour soulager, non pour accabler. Elle est faite pour les malades, non pour les médecins. Or c’est une véritable chape de plomb qu’a déposée la maladie d’Alzheimer sur les personnes très âgées, et cela depuis 30 ans. Le vieux ou le malade ne sont plus écoutés, on ne sait pas ce qu’ils disent, ils sont ailleurs, ils sont absents, ce ne sont plus eux. »

Mais face à l’obscène matraquage que nous subissons, les auteurs disent :

« N’est ce pas un phénomène naturel que ce vieillissement cérébral ? D’autres parlent de déclin cognitif. Est-il alors bien juste ou utile d’aller chercher une cause pathologique ? N’est-on pas face à une médicalisation à outrance du dernier âge de la vie ? »

Cette médicalisation à outrance comprend bien sûr l’usage sans frein des médicaments. Cet aspect est fort détaillé dans l’ouvrage. Cela nous permet d’y comprendre l’absence de rigueur scientifique et méthodologique, la corruption à tout-va. La conclusion reviendra à un professeur de médecine : « Ces médicaments ont plus tué qu’ils n’ont guéri ».

Cette maladie construite de bout en bout ne peut par conséquent avoir de traitement que médical. Si on prend l’exemple des « troubles comportementaux » de la soi-disant « maladie d’Alzheimer », on y oppose couramment les médications de type neuroleptique et le placement en EHPAD et au pire en UHR (Unité d’Hébergement Renforcé).

En bref, l’escalade répressive contre ces pauvres vieillards qu’on ne comprend pas et qu’on ne veut pas comprendre. Et ils se rebiffent et c’est bien leur droit. Ce serait quand même un sérieux progrès d’admettre que ce que recouvrent les troubles dits « psychocomportementaux », c’est un refus de notre part de tenter d’entrevoir le monde dans lequel évoluent les vieillards « déments ». Soyons accueillants pour nos vieillards, ils sont ce que nous serons. Faisons preuve à leur égard d’humanité et de compassion. Ils ne sont pas malades. Ils sont vieux. Tout simplement.

 

Alain Jean

« Alzheimer : le grand leurre » Olivier Saint-Jean, Éric Favereau, Ed. Michalon, avril 2018

« La vieillesse n’est pas une maladie: Alzheimer, un diagnostic bien commode » Alain Jean, Albin Michel, 2015

8 réflexions au sujet de « « Alzheimer : le grand leurre » »

  1. Bien d’accord avec ce texte… D’ou l’intérêt de pratiquer la méthode de la validation de Naomie Feil avec tous ces patients désorientés… Je suis d’ailleurs triste de constater que dans de nombreuses institutions, les professionnels ignorent en quoi consiste cette méthode ! On ne peut que constater un manque évident de formation, mais ce n’est pas nouveau… (Même dans les ifsi les étudiants n’ont que peu d’info !!! )

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  2. Bonjour,
    Vos approches conjointes sont éclairantes et précieuses du fait de leur positionnement critique; il ne me paraît pas non plus souhaitable que soit sous-tendue en arrière fond la banalisation des difficultés dans lesquelles évoluent les personnes concernées ainsi que leur entourage. « Maladie » devenant en effet ordinaire, impliquant de rencontrer fréquemment des adultes vieux (et moins vieux assez) « évadés du réel » (en référence au titre du film doc de R. Schumacher), mais cela n’en reste pas moins peu banal car les signes sont suffisamment flagrants et envahissants au quotidien.
    Maladie, ou syndrome, qui mène le corps médical à éprouver son impuissance du fait des échecs thérapeutiques; la lecture et le regard portés sur elle ne pourrait-ils pas en être influencés ?

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  3. Merci Alain, pour ces propositions de lectures salutaires,
    Dans un monde surmédicalisé et médicamenté à outrance (mais nous en sommes tous quelque part, au moins en partie, responsables) la « fabrique » de la maladie occupe beaucoup et rapporte beaucoup… à beaucoup. Tout cela fait beaucoup de beaucoup, en termes économique et de rentabilité. Et, ça fait peu en termes de fragile humanité. Par les temps qui courent, pas si sûr que ça change…

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  4. Cela fait donc déjà 2 bouquins pour dire que la maladie d’Alzheimer est autre chose qu’une maladie.
    D’ailleurs, on n’en guérit pas et la question se poserait même de la pertinence d’un traitement médical actuel ou à venir.
    C’est une proposition courageuse de la part de ces auteurs qui, au passage, ne se connaissent pas à titre personnel.

    Empruntons leur chemin pour ajouter que le « malade » passe son temps à nous dire que son rapport au monde a changé. Qu’il est indifférent à notre humanité ordinaire et qu’il en appelle surtout à une position pleine et entière qui accepterait son déficit autant que son effort pour se retirer, tout doucement, du monde.

    C’est ici que ces livres sont utiles car ils plaident pour une nouvelle considération des personnes déficitaires. L’enjeu est de leur offrir un espace de notre appareil psychique susceptible de s’accorder avec leur manque. Non pas pour le combler mais pour y soutenir ce que ce manque peut appeler de désir. Désir de vivre encore dignement, de pouvoir choisir ses objets (son Ehpad, ses relations, ses conflits…) ou d’ouvrir un œil nouveau et plus lointain sur le monde.
    Dans ce sens, le patient déficitaire nous invite à une « co-mémoration vivante » qui amène naturellement des modifications de notre appareil psychique. C’est ainsi : le lien de soin est un échange et il faut admettre que chacun finit par y emporter quelque chose de l’autre.

    On voit par là deux idées simples pour être utile : Etre présent à ses propres affects dans la relation avec une personne déclinante et sentir la marque de notre attention pour elle, de ce que l’on consent à offrir. Accepter notre propre finitude avec la même éventualité que celle de cette personne.

    Quant aux traitements médicamenteux : réservons les psychotropes à ceux qui en ont toujours eu besoin pour eux mêmes. Et à ceux là, faisons la proposition d’en réduire progressivement l’usage.

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  5. Alors que dire des cas de plus en plus nombreux de personnes qui ont moins de 70 ans et du fait que des études (sérieuses) évoquent aussi des causes environnementales entre autre l’absorbtion de trop grosses doses d’aluminium !

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    • Bien d’accord avec vous Madame… Ma mere a été touchée à 64 ans alors qu’elle rêvait de vivre son nouveau statut de grand-mere dans le bonheur. Je pense qu’Alzheimer nous montre sans doute les limites de la médecine et cache pourquoi pas un immense scandale sanitaire, aluminium ou maladie à prions…

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  6. Je pense que, souvent, la survenue de la maladie dite d’Alzheimer, est la phase terminale d’un trouble de l’humeur prolongé, d’un état dépressif ancien, d’une névrose, avec tendance à la paranoïa , voire d’une psychose.
    Exemple, parmi une infinité d’autres situations possibles:
    Une femme de 50 ans qui n’aime plus son mari depuis 10 ans, qui passe le plus clair de son temps à bavarder, plutôt monologuer sans écouter l’interlocuteur, à répéter les mêmes histoires à parler de son mari, de ses défauts, de la vie infernale qu’elle mène à cause de lui, etc. etc …..
    Le décès subit du mari aggrave la dépression. la femme se croyant libérée des tâches ménagères, des horaires, décide de ne plus faire que ce qui lui plait , s’assied dans un fauteuil devant la télé, et continue à monologuer à raconter avec amertume les mêmes histoires de sa jeunesse, ou à parler à sa fille célibataire qui vit avec elle. critique la bêtise du fils qui s’est marié à une femme qu’elle n’aime pas
    etc, etc……..Insidieusement s’installe un mode de vie replié sur soi-même dans lequel la mémoire n’est plus sollicitée.
    Et la mémoire, elle ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.
    Et insidieusement les années passent; le déficit de mémoire s’aggrave , et un médecin diagnostique un jour la maladie d’Alzheimer .

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