La sexualité et le désir féminin ne disparaissent pas avec la ménopause, bien au contraire!

Merci aux hommes qui continuent à nous désirer”, tels ont été les mots d’une de mes patientes. “Sexuellement invisibles!” Yann Moix a essayé de faire le buzz en écartant les femmes de 50 ans de son désir, incluant au passage tous les autres hommes dans cette affirmation. Buzz réussi sur les divans des psychanalystes. “Quand tu crois que t’as pris de l’âge mais que tu ressens que tu n’as pas vieilli, tu te vois de l’intérieur. Eux, les autres, ils te regardent autrement.” Pleurs silencieux de cette patiente.

Ce qui est frappant dans la formule de Yann Moix, sans probablement qu’il en soit tout à fait conscient, c’est qu’il parle de femmes ménopausées. À 50 ans, les règles se sont arrêtées pour la plupart des femmes. Dans son affirmation, la reproduction et la sexualité seraient une seule et même affaire pour elles, pas pour les hommes. Quand une femme n’a pas de rapports en vue de procréer, elle n’a pas de rapports sexuels du tout? Cette vision très rétrograde est-elle une réalité? La contraception a justement apporté à la génération actuelle des Ménopausées une liberté inconnue des femmes auparavant. Des femmes ménopausées semblent pourtant avoir intégré qu’elles sont sexuellement out. Pourtant, sur le divan, ce n’est pas ce qui se dit. Entre copines, non plus.

Essayons de creuser cet écart pour y voir clair. Le poids des mots étant ce qu’il est, nous avons besoin de regarder de plus près pour lever quelques tabous.

Qu’en est-il des préjugés? Comment se construisent les représentations sociales, individuellement introjectées psychiquement, sans recul, comme si c’était naturel que la ménopause soit présentée comme un problème?

Au Japon le mot “Ménopause” (apparu ici au XIXe siècle) n’existe pas, ce moment de la vie des femmes ne fait l’objet d’aucune attention particulière. Dans les sociétés occidentales, nous avons droit au discours médical. Résumons l’enchaînement: fin des menstruations: dégénérescence, désordre; pathologisation: dégradation, troubles. Cet angle physiologique ouvre évidemment aux traitements en pharmacie. Ainsi, la ménopause et la sexualité sont plus étroitement liées qu’il n’est dit.

Techniquement, le désir provoque la lubrification naturelle du vagin, par la cyprine (déesse Aphrodite, surnom: Cypris). Moins de désir: moins de lubrification. Le seul effet de l’âge est à questionner. Dans un “vieux” couple, habitude rime avec lassitude. Contrairement à ce que l’on voudrait faire croire, l’âge n’explique pas tout dans les difficultés pour “mouiller”. Certaines femmes disent qu’elles sont bien contentes de prendre ce prétexte pour échapper au “devoir conjugal”. Sans désir, même le Viagra de Monsieur n’a aucune efficacité. C’est donc la question du désir sexuel qui est posée. Qu’en est-il lors de nouvelles rencontres?

Un des problèmes est donc que le désir des femmes qui avancent en âge semble bien peu reconnu, accepté. A l’inverse, le désir masculin resterait “normal” et valorisé quant à lui. Ridicules ces femmes qui ont envie de sexe, d’amour? On comprend que des femmes se sentent piégées, complexées parfois de ressentir autre chose,perdues. Elles auront à faire un premier travail d’autonomisation par rapport à ces normes dominantes pour se recentrer sur leur ressenti.

Si l’on s’attarde sur le poids des mots, prenons “Cougars”. C’est drôle de stigmatiser ainsi des femmes aimant les jeunes hommes alors que Yann Moix trouve tout à fait décent d’affirmer sa sexualité, son attirance exclusive pour des femmes ayant la moitié de son âge. On le sait -mais je dois le répéter pour dresser le contexte- tous ces hommes avec de jeunes maîtresses ne choquent pas trop, on en plaisante même “il quitte une femme de 50 ans pour deux de 25″. Mais Brigitte Macron, elle, en a bavé en raison de sa différence d’âge avec son homme! Quoi que l’on pense (politiquement) de ce couple, est-ce admissible? Les femmes ont-elles le droit d’oser assumer une vie sexuelle, à tout âge? Le droit, oui, sur le papier. Mais…

Merveilleuses, ces amoureuses?

Comme toute femme amoureuse, quel que soit le nombre de ses années, la femme rayonne, l’homme aussi d’ailleurs, allumés de l’intérieur par “les feux de l’amour”! Le désir féminin serait encore toujours à justifier, quel que soit l’âge. Pire encore avec l’âge?

“Vieille = moche = imbaisable = aigrie” on connaît ces injures de “mal-baisées”. Il se pourrait qu’une résurgence du sexisme se manifeste ouvertement dans cette vision exprimée sans rougir par Yann Moix.

Alors que le sexuel est partout, de la publicité à la pornographie, la sexualité des ménopausées serait soit un non sujet soit un sujet brûlant. Et on parle ici des femmes de 50 ans, des Mamans. Qu’en sera-t-il quand on abordera les femmes de 60 ans et plus? Les grands-mères. Croyez-vous que l’on parlera de ces sixties comme de sexynaires? Permettez-moi d’en douter quelque peu. Il suffit de regarder les rôles des actrices de ces âges. Elles incarnent très rarement des femmes amoureuses.

Les Jeunes (qu’importe leur sexe) aimeraient peut-être que cela devienne un non-sujet pour leurs parents, mères et pères. Et comme toujours encore plus pour leurs mères: “Toutes des putes, sauf ma mère. Une Sainte.”, les enfants ont toujours du mal à se représenter la sexualité de leurs parents. Cette “scène primitive” serait dégoûtante. Est-ce donc cette vision (non travaillée sur un divan) qui ne cesserait jamais d’influencer les visions d’horreur de Yann Moix?

L’âge et le désir, leur articulation pose un problème

Revenons à ce qui se passe socialement. Avoir plus de 50 ans, est-ce une disqualification ? Comme pour les hommes, diront certains. C’est vrai mais avec un malus car la femme est censée être désirable, la beauté se fane au regard des critères actuels, de jeunesse comme attribut majeur. Qu’en est-il des jeunes “moches”, au fait, les guillemets sont là pour insister sur les normes de beauté classant les individus? Comme si l’amour ne concernait que les top models! Peut-être sera-t-il plus simple de vieillir pour celle qui n’a pas été reconnue pour sa beauté une partie de son existence? À voir…

Le diktat des papiers glacés, des apparences influence les a priori, les aggrave.Sans les créer comme nous l’avons abordé au paragraphe précédent, on n’aime pas se représenter les parents faisant l’amour.

Socialement toujours, le statut des femmes ménopausées est différent de ce qu’il était. D’un côté, nous assistons à une perte de statut négatif, associé aux règles, vous savez les “femmes impures” des religions, celles qui (laïquement) font tourner la mayonnaise, etc, et de l’autre côté, une perte du statut positif comme femme fertile. Rappelons l’injonction faite aux femmes de plus de 45 ans de cesser leurs activités reproductives, elles sont socialement ménopausées avant de l’être physiquement.

Les voilà libérées des risques de “tomber enceinte”, de la contraception et ses effets secondaires, des grossesses non désirées à assumer d’une façon ou d’une autre… Les femmes ménopausées seraient disponibles non stop aux plaisirs de la vie sexuelle, comme un homme l’a été toute sa vie ne connaissant pas les cycles de 28 jours…Elles pourraient en profiter. Ce qui ravive les fantasmes de femmes intenables. Ces peurs circulent sur toute la planète et entraînent des mutilations et de multiples processus pour empêcher les femmes d’user de leur liberté.

Ainsi la disqualification des femmes ménopausées en tant que femmes sexuellement désirantes et désirables dépasse, et de loin, une simple attirance individuelle, qui en ce sens est tout à fait respectable et indiscutable.

Ménopause, un tabou à faire tomber

En considérant cette situation sous cet angle, on aboutit à la conclusion qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème individuel mais d’un fait social.

Pour faire tomber un tabou, il faut déjà en prendre pleinement conscience puis en parler. Les femmes le pourront, en dépassant le silence jusque-là bien assimilé, en dépassant aussi la peur car les pionnières risquent d’être moquées en prenant la parole sur ce sujet.

Seules les femmes? Des hommes ont réagi à Yann Moix en disant “Tu parles pour toi!”

Merci Messieurs.

Il existe des démarches individuelles et d’autres collectives pour bousculer les tabous, par exemple, la culture. Les articles, comme celui-ci par exemple, permettent de réfléchir et aident à mettre en lumière ce qui parfois confusément est ressenti. Lever le voile pour mieux se comprendre est une étape. La pièce “Ménopausées” au théâtre de la Madeleine juin/août 2019 – en plus d’être un moment de plaisir impertinent- ouvre la voie. L’accueil très chaleureux tient tant au talent des quatre comédiennes qu’au fait que le public désire sortir du non-dit, de l’invisible. Seule petite critique, les quatre femmes n’ont que 50 ans…

Sortir d’un non-dit, du refoulé permet le changement.

Si vous en êtes d’accord, partagez ces quelques réflexions et voyons ce que cela entraîne.

« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence ». Arthur Schopenhauer

 

Catherine Grangeard

 

Ce billet reprend pour partie une tribune sur le Huffington Post

3 réflexions au sujet de « La sexualité et le désir féminin ne disparaissent pas avec la ménopause, bien au contraire! »

  1. Je vous remercie sincèrement d’avoir choisi de publier cette tribune à laquelle je vais apporter quelques compléments. Car depuis août, depuis le Huff Post, la pièce Ménopause « la comédie qui se joue des règles » est prolongée au Théâtre de la Madeleine.
    Et …Yann Moix s’est encore fait remarquer.

    La psychanalyste que je suis ne fera aucun commentaire sur la santé psychique de ce Monsieur mais en revanche sur ses propos publics, quelques commentaires s’imposent.
    Maintenant ce sont les Jeunes de 20 ans qui peuvent se sentir offusqués. L’excuse d’être « un petit con » à cet âge-là, l’air de rien, comme ça, est-ce une évidence ?
    Nous en connaissons pourtant des personnes de 20 ans qui ne le sont pas le moins du monde, des petits cons ! (D’ailleurs cette insulte de sexe féminin est à analyser 😉
    Il a un problème avec l’âge ce Monsieur, trop jeunes, trop vieux… Pas qu’avec l’âge me direz-vous ?
    Avec les femmes, bien sûr !
    Avec les Juifs.
    Avec ses amis de vingt ans, les gens d’extrême droite qu’il renie maintenant.
    Avec qui demain ?

    Aux médias « mainstream » j’ai une proposition à faire, très simple : tendre les micros, diriger les projecteurs vers ces femmes qui méritent la lumière, elles aimeraient ne plus être invisibles. Vers ces jeunes de 20 ans qui ont du talent. Ouvrez vos colonnes à d’autres individus qui ont tant à dire, qui savent aussi écrire. MERCI !

    A bientôt ?

    http://catherinegrangeard.blogspot.com/

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  2. Bel exemple d’article bourré d’hypocrisie et imbibé de politiquement correct.
    Oui, depuis l’aube de l’humanité et comme tous les mammifères la sexualité est l’apanage de la jeunesse. C’est encore plus évident avec le sexe féminin qui devient infertile avec la ménopause et dont l’acte lui-même nécessite souvent des artifices pour ne pas être douloureux !
    Désolé mais la nature est ainsi faite et aucune construction idéologique ne peut en venir à bout.
    De même pour la beauté qui est indiscutablement associée à la jeunesse, pour les hommes comme pour les femmes d’ailleurs ! Les Hellènes n’ont pas représenté Aphrodite ni Appolon sous les traits d’une personne âgée !! Je me demande bien pourquoi ?…
    Donc non, une femme qui a quitté l’âge de la jeunesse n’est plus aussi belle, plus aussi désirable qu’à ses vingt ans. C’est risible de devoir rappeler une telle évidence ! Et encore une fois il en va de même pour le sexe masculin.
    Et vous savez quoi ? Il va falloir faire avec !! Car c’est ainsi et aucune de vos complaintes, lamentations, rancœur et amertume n’y changeront rien. Nous vieillissons et nous finissons même par mourir… Si ! Si ! C’est la condition humaine.

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